Ouvre un Coca, ouvre du malheur
Ma vie au poste, le blog télé de Samuel Gontier |
Le 09/01/2013 à 00h00 - Mis à jour le 09/01/2013 à 19h23
Samuel Gontier
J’ai décidé de ne pas arrêter de fumer. C’est ma bonne résolution de l’année. Objectif : arrêter le Coca. Or, selon le professeur Robert Lustig, boire deux cannettes de Coca
revient à fumer deux paquets de clopes par jour. Le soda est aussi addictif que le tabac (comme lui, il dope la production de dopamine) et il réduit aussi l’espérance de vie d’environ vingt ans
par le moyen d’attaques cardiaques, d’AVC, de diabète, de cancers, de démence (sans parler des rots et flatulences).
Résolument alarmiste, Coca-Cola, la
formule secrète (toujours visible sur Pluzz), inaugurait mardi sur France 2 une
collection documentaire baptisée « L’emmerdeuse » dans laquelle l’enquêtrice, Olivia Mokiejewski, est aussi présente à l’écran que le logo de la multinationale d’Atlanta, dont elle est une
fervente cliente. Un dispositif pêchu mais parfois superflu, comme lorsque l’emmerdeuse tente en vain de
rencontrer le patron de The Coca-Cola Company – équivalent du pdg de General Motors dans Roger et moi, de Michael Moore – sous le prétexte qu’il a lui-même déposé la formule secrète
de la boisson dans un coffre-fort lors d’une fastueuse cérémonie.
Epaulée par Romain Icard, un réalisateur d’expérience – et de qualité – à qui l’on doit notamment le retentissant Uranium, le scandale de la France contaminée, la
journaliste a mené une enquête à charge (pour ne pas dire à surchage pondérale) sur le « tsunami de boissons sucrées » diagnostiqué par le professeur Lustig. Chaque Américain
boit en moyenne 170 litres de soda par an, soit… 20 kilos de sucre, comme en témoigne cette efficace contre-publicité.
Rappel : inutile de vous rabattre sur les versions « light », on ne sait rien des effets des édulcorants sur l’organisme. Outre le sucre, les « arômes
naturels » inscrits dans la liste des ingrédients n’ont pas l’air très naturels, d’après un ancien ouvrier. Le « sirop » mélangé à l’eau gazeuse est si toxique qu’il est stocké
dans des cuves ultra-sécurisées et ne doit pas rentrer en contact avec la peau.
Quant au « colorant caramel » qui porte un si joli nom (complété de la mention E150d), il est fabriqué avec du sucre, de l’amoniaque et des acides mélangés
à haute pression, ce qui produit la couleur caramel mais aussi diverses molécules dont l’une, la 4-MI, est cancérigène. Grâce à l’action de Mike Jacobson, en Californie, sa valeur maximale
autorisée est aujourd’hui de 29 µg par canette. Tandis que l’échantillon de Coca français analysé à la demande de la journaliste affiche… 79 µg de 4-MI.
« Il y a un problème derrière chaque ingrédient », résume Olivia Mokiejewski. Même l’eau occasionne des ravages environnementaux et sociaux. Je connaissais le
cas des paysans mobilisés contre une usine de la multinationale en Inde, mais les dégâts sont les mêmes au Chiapas (Mexique),
dont les ressources hydrologiques sont pillées et polluées par Coca. Résultat, les habitants en boivent encore plus, car il est moins cher que l’eau en bouteille. Dans les cérémonies
traditionnelles, il a remplacé l’alcool traditionnel pour servir d’offrande aux dieux – en faisant roter le Coca chasse les esprits mauvais.
Fini, le Coca ! Je préfère fumer, ça m’évitera au moins le diabète et l’obésité. Et merci France 2 ! Malgré ses défauts, l’enquête a le mérite d’être courageuse car s’attaquer à
Coca-Cola, sans que ce soit follement original, revient à s'aliéner l’un des plus gros annonceurs. D’ailleurs, je me demande si « L’emmerdeuse » aurait pu être programmée quand la publicité
régnait encore dans les soirées de France Télévisions…